Le monde du jeu ne cesse de prouver qu’il est difficile de s’y faire une place, et les derniers mois ont vu nombre de studios et projets traverser de mauvaises passes, voir tout simplement disparaître. Dernier exemple en date, les tchèques de Boarcubator et leur projet narratif, Kingdom Come: Deliverance.
Pour recontextualiser, Kingdom come: Deliverance (KCD) est à la base un jeu vidéo financé via Kickstarter. Le jeu nous plonge dans une Europe de l’Est médiévale secouée par différentes guerres et conflits politiques. Par son approche réaliste, voir crue, sa narration immersive et mettant l’accent sur la vie des « petites gens », KDC est peu à peu passé de confidentiel à véritable succès critique (et commercial, plus de 5 millions de copies vendues). Et c’est ainsi qu’il y’a de cela 3 mois, le tout jeune studio tchèque Boardcubator annonçait adapter la licence en jeu de plateau narratif.
Cette adaptation prendrait la forme d’un jeu de plateau coopératif pour 1 à 4 joueur assisté par application, où chacun incarnerait un habitant de la Bohème (royaume dont faisait partie la Tchéquie) au 15ème siècle. Surtout, l’application se voudrait particulièrement présente, le jeu se déroulant en scénarios et voulant recréer l’ambiance si particulière du grand-frère vidéoludique. Boarcubator mettait ainsi l’accent sur les possibilités offertes par ce support, entre choix ayant une influence sur le monde et narration renforcée via un cast complet de doubleurs et des musiques d’ambiances. Entre différentes promesses de « révolutionner le secteur du jeu narratif », la campagne était annoncée pour le 19 septembre. Surtout, les reviews et retours des youtubeurs et autres influenceurs spécialisés se montraient particulièrement positives, louant le travail effectué par Boardcubator sur la narration.
Fort de ces signaux encourageants, KCD débarqua sur Gamefound pour une campagne de deux semaines, avec un objectif à atteindre de 100 000 euros. Le jeu était disponible avec deux niveaux de pledge en anglais, français, polonais, allemand et tchèque. Hors, le premier point négatif à l’ouverture de la campagne fut le prix: le pledge de base avec standees en guise de NPC valait 135 euros, tandis que la version figurine s’acquérait pour la coquette somme de 185 euros. Des prix particulièrement élevés pour un jeu ne reposant pas sur le kiloplastique comme argument de vente. A ces critiques, l’éditeur mis en avant le travail effectué sur l’application et le coût des doublages, arguant même d’une économie de 85 euros par rapport à la version retail. Ce qui signifierait que le prix « réel » du jeu serait de 220 euros l’unité! Des chiffres qui pouvaient malheureusement faire sens, au vu du coût faramineux que représente un doublage complet en cinq langues. Et c’est d’ailleurs cet aspect qui inquiétait certains observateurs: Boarcubator, jeune éditeur dont c’est le premier véritable projet, n’aurait pas t’-il vu trop grand avec sa volonté d’application immersive, et de doublage « à un niveau jamais vu dans le jeu de plateau? ». Quoi qu’il en soit, la campagne semblait se porter honnêtement, avec au bout d’une grosse semaine plus de 2000 backers rassemblés pour plus de 300 000 euros.
Ce qui nous amène à l’actu publiée le 30 septembre, qui n’annonce rien de moins que… l’arrêt de la campagne et la mort de Boarcubator. Dans un message assez difficile, l’éditeur explique que Kingdom Come: Deliverance, pour ne pas se transformer en four financier impossible à livrer, aurait du récolter la somme d’un million cinq. Au delà de confirmer que les paliers de financement minimum des campagnes KS sont bidons (ce que l’on savait déjà), ce retournement de situation valide les craintes exprimés par certains lors de la campagne sur les coûts faramineux d’un tel projet. Entre le prix de la licence, l’inflation sur le transport et les matières premières, en plus des coûts de doublage intégral, Boardcubator aura vu trop grand trop vite, et doit payer cher son surplus d’ambition.
Cet échec ne fait que confirmer la phase assez tiède que traverse le financement participatif. L’inflation a fait exploser les prix moyens des pledges, qui atteignent régulièrement les 120 euros, en plus des frais de port et la TVA, qui doit maintenant être indexée sur le prix de vente. En parallèle, les éditeurs n’ont pas forcément cessé les projets pharaoniques, et même les cadors du milieu doivent faire face à plusieurs échecs, sans parler des petits éditeurs. Mythic Games est ouvertement en crise financière suite au sous-financement d’Anastyr et le projet Cyberpunk 2077 de Cmon est consensuellement reconnu un échec (en tant que campagne de fp) au vu du potentiel de la licence.
Alors véritable changement de paradigme ou simple phase passagère? L’avenir nous le dira, et il sera extrêmement intéressant de suivre les évolutions du secteur, qui seront évidemment analysées et commentées sur le site. Qui sait, peut-être que standees et projets contenus remplaceront les « monster game »… ou pas.
Merci de tout cœur de votre lecture. Pour patienter d’ici la prochaine publication, le reste des articles est disponible ici!
Sources images article: Youtube ( Boardcubator), Gamefound, Kickstarter, Boarcubator