22 janvier 2025

Smog 1888: Chef d’œuvre steampunk au royaume des figurinistes

En 2010, l’éditeur Smart Max Miniatures commence à commercialiser une gamme de figurines de toute beauté, dans un thème visuel steampunk très marqué, et à un format inhabituel, 54 mm. Les différents personnages de cette gamme attirent peu à peu l’attention des connaisseurs, et au fur et à mesure des sorties, un véritable univers prend peu à peu forme, celui de SMOG 1888. C’est par ces premières pièces en résine que commence l’aventure de SMOG, création de l’illustrateur français Christophe Madura.

Ces quelques concepts et figurines en ont appelés d’autres avec le temps, et SMOG s’est petit à petit transformée en véritable licence ayant connu trois incarnations différentes, chose au final assez rare dans le secteur du jeu de plateau/ figurines. Ce fut et reste aujourd’hui de loin mon univers préféré parmi la myriade de concepts fantastiques, futuristes et autres qu’offre le secteur. Alors que la franchise approche de ces 12 ans, je souhaitais offrir dans les lignes qui suivent une rétrospective sur son évolution, et lui donner l’attention qu’elle mérite. Déjà parce que la franchise souffre d’un relatif manque d’exposition dans nos contrées alors que Cocorico, son auteur est français, mais SURTOUT, surtout parce que, spoiler alert, SMOG est génial (argument de qualité n’est ce pas?).

Ce projet se voulant quelque peu copieux, il se fera en 3 parties, chacune s’attardant sur l’un des jeux de l’univers SMOG et ces apports. A tout seigneur, tout honneur, la première partie qui suit donc abordera donc Smog 1888, le jeu qui a posé les fondations de cette extraordinaire gamme.

Mais tout d’abord, comment définir Smog ? On se situe ici dans un environnement purement Steampunk, avec des inspirations clairement assumées, comme par exemple la Ligue des gentlemen extraordinaires d’Alan Moore.  Le 19ème siècle touche à sa fin et l’empire Britannique règne sur le monde moderne, porté par sa maitrise technologique, ses colonies, son industrie et ses divers commerce florissant. Londres est la plus grande cité au monde, concentrant à la fois ce que l’empire compte de merveilleux et de terrible. Toute l’action se passe dans la ville (bien que de nombreux personnages fassent écho au reste du monde), et les codes du genre sont respectés, avec la présence de magie (appelée éther ici), de technologies à vapeur démente, et des références à divers personnages de la littérature d’époque, dont bien évidemment Sherlock Holmes et Cie. Dès le début de l’univers, un véritable effort a été fait pour le rendre immersif et cohérent, avec l’ajout de textes d’ambiance et même d’une chronologie officielle ! Je vous laisse l’un de ces textes pour bien situer l’ambiance, avant de s’aventurer pour de bon dans le SMOG…

« Londres vit. Londres respire, vibre, et crache. Les jours où il est possible de distinguer la couleur du ciel se font de plus en plus rares. La nuit, seule la lune est capable de percer le smog, mélange de brouillard, de vapeurs malodorantes et de fumées d’usines dans lesquels cette ville est plongée en permanence.

Si vous suivez le panache de fumée du train de Bristol, vous voyez défiler les demeures de Notting Hill. Ce même train, peu après l’heure du thé, vous arrête à la gare de Paddington où les voyageurs, entourés de bagagistes trop jeunes pour porter les malles sans effort, descendent au Great Western Hotel. Ceux qui vont faire des affaires à la City prennent un cab mécanique, s’engouffrant dans Bayswater Road. Ils y admirent le parc de Kensington et son incroyable serre qui brille de mille feux en cette agréable fin de journée. La verrière, de plus de quarante mètres de hauteur pour un diamètre dix fois plus important, fait oublier le prestigieux Crystal Palace, non grâce à ses dimensions, mais pour ce qu’elle abrite, une race étrange venue d’ailleurs. Cette mystérieuse Ambassade est étroitement surveillée par l’armée et interdite aux badauds.

Alors que les voitures descendent Park Lane, elles longent le quartier chic de Mayfair, dont les maisons aux colonnades blanches montrent que la belle société profite de la prospérité impériale. Resplendissants sous les rayons du soleil couchant, les Zeppelins de Scotland Yard croisent dans le ciel les impressionnants transatlantiques en provenance de New-York et veillent à la tranquillité des classes supérieures. Les cabs traversent Green Park et quelques passagers remarquent une fée espiègle se cacher dans les feuillages. Cette créature ne peut faire oublier la splendeur de Buckingham Palace, où le Régent attend que Sa Majesté rentre de son séjour en Féerie, tandis que le régiment de gardes automatons effectue sa relève avec raideur et précision.

Ce choix de soldats sans âme se justifie quand on aperçoit ce qu’est devenu le Trafalgar square, non loin de là. Les Cabs ralentissent. L’agitation de la ville semble éviter ce secteur, comme si les visiteurs se trouvaient dans l’œil du cyclone. Une tour métallique à moitié noircie rappelle combien les progrès de la science peuvent être risqués. Un frisson glacial saisit quiconque marche à l’ombre du funeste monument. Ce condensateur protoplasmique qui devait maîtriser les secrets de l’éther faillit plonger la ville dans le chaos et trop de spectres rôdent encore dans les environs.

Les tramways à vapeur encombrent Fleet street, une livraison tardive bloque la circulation. Peut-être les passagers auraient-ils dus prendre le métropolitain ? Celui-ci jaillit du sous-sol londonien et sa locomotive recrache la fumée qu’elle a emmagasinée, alors qu’elle file sur l’aqueduc d’acier enjambant la Tamise.

La fumée… Le vent de l’est rabat ce brouillard malsain, le smog, venu des usines du East End, des ateliers de la sueur. Les lumières électriques des quais commencent à éclairer le soir. Indifférent au temps, des zombies continuent de battre le pavé, leurs réclames sur le torse et le dos. Ils vantent toutes les richesses du monde dont les docks regorgent. Il y a bien longtemps qu’ici on ne construit plus un seul navire, la capitale n’est plus qu’un ventre engloutissant tout, de l’homme à la matière, de l’émigrant à la balle de coton.

La silhouette de la Tour de Londres se découpe à la lueur des lampadaires, alors que la nuit l’habille de son manteau de brume. À ses pieds s’écoule le fleuve, charriant les déchets d’une Angleterre industrielle. Sur ces eaux douteuses, deux vaisseaux se font face. Le Roi Albert, fleuron de la marine de guerre, et la Nef, ce sinistre bateau d’ébène, comme aspirant toute lumière extérieure, domaine flottant de l’antique Pharaon Noir, résidant indésirable mais inexpugnable.

Un seul cab continue son trajet, contourne le quartier des affaires. Il s’enfonce dans Whitechapel, plongé dans l’obscurité des ruelles trop pauvres pour tenir la misère au loin. Son passager doit avoir une tâche importante à accomplir, pour venir se perdre là où il n’y a plus aucun espoir, alors que les tentacules du smog s’immiscent dans les moindres recoins, happant les ténèbres… »

Premier Chapitre : SMOG 1888

Tout commence donc par Smog 1888, une gamme de figurines résine soutenue par système un jeu d’escarmouche. C’est cette première itération de SMOG qui va poser les bases de l’univers, et permettre à Christophe Madura de livrer au monde sa vision.

Dès 2010, Smart Max miniatures commence à commercialiser une gamme de personnages, inscrits dans un univers intitulé « Smog 1888 » sans autres descriptifs que le nom des personnages et une brève description pour chacun. Au fur et à mesure que de nouvelles figurines sont dévoilées, celles-ci sont rassemblées en factions, un site internet dédié est créé, et sur ce site paraissent un ensemble de textes et descriptifs qui permettent de découvrir le background du jeu. On apprend ainsi que dans ce Londres Uchronique, la nécromancie existe, qu’une ressource magique, l’éther, donne à certains individus des pouvoirs fantastiques, que Londres est relié par un portail à une dimension magique où vivent des fées et autres créatures mythologiques, et qu’enfin, l’homme n’est pas seul dans l’espace… les différentes factions sont au cœur de l’intrigue, et c’est par la galerie de personnages qu’elles proposent que la toile de fond qu’est l’univers du jeu prend peu à peu forme. Parmi les différentes factions que propose Smog 1888, on trouve :

-Le Club :

De nombreux clubs existent dans la haute société Londonienne, à même d’attirer tout gentlemen en quête de compagnie, de quelques parties de bridge, de mondanités, ou même de satisfaire un intérêt nouveau pour l’ésotérisme. Cependant, parmi tous ces petits groupes de rassemblement mondains, l’un se dresse dédaigneusement au-dessus de la mêlée : LE Club. Impossible d’y rentrer sans renommée impeccable, ressources substantielles et parrainages. Ces membres s’estiment être les véritables protecteurs de la couronne face aux myriades d’intrigants et autres menaces internes ou étrangères. 

Certains sont certes des nobles à la recherche d’aventures, mais la majorité des membres du Club sont des individus de pouvoirs, à même d’être véritablement dangereux pour leurs ennemis. On y trouve pelle-mêle le chef de Scotland Yard, des médiums, Sherlock Holmes l’assassin royal, des fées, une aristocrate équipée d’un fusil alien, et même certains membres plus « exotiques », tels que le professeur Sawbone, explorateur initié aux arts chamaniques africains, un gorille parlant, et un prince sorcier hindou. 

-Le Culte :

En 1818, découverte est faite par Lord Carter de la métropole antique de Meidou en Égypte. Il y fait la rencontre d’Imothep II, l’antique Pharaon Noir, qui lui apprends les secrets de la nécromancie. Le culte a depuis été officiellement formé à Londres, et s’efforce de faire accepter à la bonne société que ressusciter les morts n’est qu’une forme d’ethéromancie comme les autres, qu’il n’y a rien de morbide. Le Pharaon Noir s’est d’ailleurs déplacé à Londres à bord de sa Nef, provoquant l’effervescence du public pour l’Égypte antique. Certains savent malheureusement que le but réel du culte n’est autre que l’avènement d’une Thanatocracie mondiale, avec à sa tête le pharaon. En réaction, les ennemis du Culte se mobilisent, avec en premier lieu les gitans de la roue. Pour se débarrasser de ses gêneurs, le Culte compte infiltrer les sphères de pouvoirs et l’élite politique, et peut toujours compter sur des ambitieux sans scrupule pour sacrifier leur âme en échange d’une promesse de pouvoir. Après tout, le temps a toujours été à l’avantage du Pharaon. 

Le Culte compte bien évidement des nécromants et autres zombies, mais y ajoute une touche égyptienne, avec un crocodile zombie et autres gardes d’honneur du culte. On peut y trouver aussi le magicien Shamock et sa sinistre boîte de découpe, prêts à vous jouer le dernier tour de magie de votre existence…

-Le Cloaque :

Chaque société génère ses marginaux, et le Londres de cette fin de siècle ne fait pas exception. Les bouleversement technologiques, l’apparition de l’éther, l’environnement pollué sont tant de changement qui ont marqué le bas peuple dans sa chair-même. Les premiers mutants apparurent dès 1850 parmi la population ouvrière, mais personne ne s’alarma de l’accélération progressive du phénomène. Ces Freaks furent tolérés quelques temps, gagnants leur vie dans des cirques, jusqu’à la tragique nuit des monstres. La foule, ne supportant plus la vue de ces témoins involontaires d’un futur sombre, massacra tous les mutants qu’elle croisa. Ces derniers durent se réfugier dans les sous-sols de la ville, où ils formèrent leur propre société, cour des miracles violente et difforme. Le Cloaque est ivre de vengeance envers une époque qui l’a vu naître puis l’a renié, et ces membres n’aspirent qu’à être reconnus pour ce qu’ils sont : Ils en ont assez de la pitié, il est temps pour eux d’inspirer la peur chez ceux d’en haut. Leur dernier attentat a failli coûter la vie à la reine elle-même, et nul ne peut plus ignorer le danger que pose le Cloaque. 

Parmi la myriade de mutants qu’offre le jeu de figurines, le Cloaque est sans doute l’une des gammes avec les personnages les plus singuliers. C’est aussi la troisième faction la plus dotée en entrées de la gamme, avec 6 références.

-Le Dragon :

Lorsque les troupes anglaises pénétrèrent en Chine et déclenchèrent la guerre de l’Opium, elles ne pouvaient se douter qu’elles réveilleraient une puissance terrifiante. Le Dragon est une organisation secrète millénaire de malfaiteurs et jeteurs de sorts, et ses yeux pointent vers l’Angleterre. Le commerce de l’opium est vital pour endormir la plèbe Londonienne, mais il a permis au Dragon d’infiltrer la capitale. Ces membres savent se montrer suffisamment courtois pour ne pas éveiller l’attention, et suffisamment violents et cruels pour se faire respecter des intimidateurs. Officiellement, le quartier asiatique est tranquille, les blanchisseurs sont des gens charmants. Cette façade ne durera longtemps : Le Dragon se nourri de savoirs et connaissances, et ce n’est qu’une question de temps avant qu’il assimile les secrets de l’éthéromancie, les fasses sien pour renforcer son influence. Que les blancs tremblent, car il existe en Asie des créatures issues de leurs pires cauchemars, et celles-ci se mettent en chasse dans le Smog Londonien…

Le Dragon compte 4 figurines : Fu Manchu, Illusionniste et l’un des chefs de l’organisation, Ma fang, l’assassin aux éventails de guerre, Mei Leung, la maîtresse de l’opiummancie, et enfin, le redoutable Dragon d’opium….

-Le Mekazylum :

Dès le début du 19ème siècle, la Confrérie mécanique est créée par des scientifiques sentant que le monde est sur le point d’entrer dans une nouvelle ère. Leurs travaux assurent la supériorité technologique de l’Angleterre et contribuent à sa renommée mondiale, alors que les premiers automatons apparaissent. La découverte de la nécromancie attise la curiosité des scientifiques, qui capturent des zombies et découvre la substance à même de les animer : L’éther. Ainsi sont posées les bases de l’éthéromancie. Ces théories rationnelles rassurent le grand public, qui devient persuadé que la science a la maitrise absolue sur la magie, et voit ces craintes sur les nécromants disparaitre, peut-être un peu trop. Adoubés comme les génies de ce siècle, les savants osent tout, transgressants toutes les limites, jusqu’à la tragédie. L’explosion du condensateur protoplasmique, machine censée prouver définitivement la supériorité de la science sur la nécromancie, libère des dizaines de spectre que seuls les sorciers parviendront à chasser. C’est une humiliation, et en réponse, la couronne interdit les réunions de scientifiques, et les contraint à l’assujettissement. En réaction, des dissidents fondent le Mekazylum en 1852. Ces membres estiment que l’humanité a basculée dans l’obscurantisme, aveuglée par les fées et les superstitions. Les ateliers secrets de l’organisation travaillent à plein régime, et bientôt le Mekazylum sauvera l’Humanité, malgré-elle s’il le faut.

Amateurs de steampunk, de scientifiques fous et d’inventions démentes, cette faction a tout ce qu’il faut pour vous. On y trouve entre autres une ré-imagination du fameux Jack le tueur de l’East End, mais aussi Signore Giepetto, dégoûté par le monde des adultes, accompagné de son robot garde du corps, Pinocchio.

-La Roue :

La Roue est l’une des plus anciennes organisations de l’histoire, créé en Inde avant même l’apparition de l’hindouisme. Ces membres furent chassés pour leur pratique d’une étrange magie, qui entendait vénérer et comprendre les forces de la nature. De cet événement les gitans tirent la douleur de l’exil, mais aussi la fierté d’être libre. Le groupe se scinda, et la branche égyptienne devrait dégénérer et maudire le monde par son don de la non-vie, la résurrection des morts. Les gadjés virent une partie des leurs devenir leurs pires ennemis, et déclencher une guerre millénaire. En ce sens, la libération du Pharaon Noir et sa venue à Londres sont une catastrophe. La prolifération du culte et des morts-vivants ne peut être tolérée, aussi les gitans de la roue ont rejoint massivement Londres, où ils ont établi leurs campements dans Hyde Park. Les anglais ont réveillé une puissance qu’ils ne comprennent pas, mais il ne faut pas compter sur la Roue pour le leur dire : Les gitans tiennent à leur indépendance, et impossible d’effacer la fracture entre des élites et des marginaux. La Roue s’acquittera seule de son devoir, fière et libre. Par sa connexion avec les forces de la nature, ses connaissance millénaires, son réseau et sa maitrise de l’éther, la Roue est une organisation redoutable.

la Roue est malheureusement l’une des deux factions les moins fournies de la gamme, avec seulement 3 références. On y trouve Nibaba, sorcière fusionnant avec les esprits de la nature, un Golem de pavés, et enfin Divio juckal, la très belle figurine de Loup-Garou.

-L’Ambassade :

Les extraterrestres existent bien, et ils ont élus domiciles malgré eux dans la glorieuse Angleterre. Leur arrivée sur terre via le crash de leur gigantesque vaisseau-bourgeon fut l’évènement du millénaire, et remis à plat l’ensemble des croyances des hommes. Nous n’étions pas seul dans l’espace, et il y’eu consensus, même auprès des plus ardents théologues que ce qui était tombé du ciel n’était certainement pas des anges. L’armée, qui eut encerclé le lieu du crash, découvrit que ces fragiles visiteurs supportaient bien mal la gravité de sir Issac newton. Qu’importe, il s’agissait peut-être là d’une ruse, aussi fut -il décidé de transporter ces créatures à Londres, ce qui serait l’occasion de les étudier sous bonne garde. Un concours international fut lancé, remporté par l’ingénieur Français Gustave Eiffel et son projet d’immense Serre à Hyde Park, baptisée l’Ambassade. Un problème persiste néanmoins, car toute tentative de communication avec les créatures a échoué, et rien ne semble troubler leur indifférence. Lord X, régent de la couronne, a donc en réponse autorisé des scientifiques à expérimenter sur ces aliens, « dans le respect moral de la vie », sans que l’inventivité des laborantins ne provoque chez leur cobaye un quelconque surplus de réaction. Tout Londres est perplexe, quel péril incompris pourrait bien menacer l’empire ?

Forces et problèmes d’édition

Ce qui j’espère, vous saute aux yeux à la vision de ces figurines, c’est à quel point l’une des plus grandes forces de Smog est son incroyable qualité visuelle. La gamme de figurines fit appel aux meilleurs sculpteurs disponibles sur le marché (entre autres: Remy Trembay, JAG, Thomas David, Allan Carasco…) , et il faut saluer l’inventivité des concepts de Christophe Madura, créateur de cette identité visuelle (ce dernier est d’ailleurs un illustrateur dont vous pouvez retrouver les concepts dans plusieurs jeux de Mythic Games). Le public ne s’y trompa pas, et lorsque les visuels des figurines furent dévoilés, celles-ci firent très forte impression auprès des peintres et collectionneurs.

De plus, Smog fut et est toujours visuellement différent. Bien que le steampunk se soit répandu dans les univers de jeux au cours de ces 10 dernières années, force est de constater que 1) ce n’était pas autant le cas en 2010, et que de 2) bien que beaucoup de jeux incorporent des touches de steampunk dans leur identité visuelle, très rare sont ceux à se concentrer exclusivement sur ce courant. On a ici un univers très proche des « codes » des œuvres majeures du genre, comme la ligue des gentlemen extraordinaires ou les Voies d’Anubis, avec donc de la technologie démente, de la magie, des références à l’Egypte et à l’histoire anglaise (colonies)en plus de références littéraires. Les dizaines de concepts radicalement différents ne nuisent pourtant pas à l’impression de cohérence de l’univers. Les factions et personnages s’éloignent de ce qu’on peut trouver traditionnellement, et dire qu’il existe un contexte dans lequel des gitans défenseurs de la nature affrontent des martiens parasites devrait être un argument indéniable pour faire comprendre pourquoi les jeux sont la meilleure activité au monde.

L’une des illustrations présentes sur l’ancien site de Smog 1888

Cet univers est déjà servi par les figurines et les concepts visuels, qui racontent une histoire, qui permettent de s’immerger dans le monde. Mais surtout, il faut saluer l’excellent travail de Christophe Madura et de Gabriel Feraud, qui est je crois à l’origine de la plupart des descriptifs de personnages et des textes d’ambiance. Le regretté site internet de Smog 1888 regorgeait de textes courts et de documents comme des faux journaux et autres frises chronologiques alternatives, qui permettaient de s’immerger immédiatement dans cet univers particulier. Mention spéciale aux textes de faction, que j’ai essayé de modestement adapter dans cet article. Ces textes étaient tout simplement parmi les mieux écrits que j’ai pu voir pour n’importe quel jeu de figurine.

Nous avions donc un jeu à la DA maîtrisée, aux figurines de qualité et à l’ambiance unique. Tout va bien dans le meilleur des mondes n’est-ce pas ? Et bien non, loin de là, car après seulement 5 petites années d’existence, la gamme Smog disparut. Cela peut sembler paradoxal, mais l’histoire fait tristement sens.

Tout d’abord, il faut avouer que le secteur du jeu de figurines est une véritable jungle. Au-delà de l’ultra-monopolistique Games workshop, rares sont les éditeurs à survivre durablement dans ce marché ultra-concurrentiel, et il n’est malheureusement pas rare que des éditeurs de jeux de figurines doivent passer clé sous la porte passé quelques années d’existence. Rien que récemment, Dust Studio annonçait sa fermeture, mettant fin à l’existence de Dust tactics/ 1947 après une douzaine d’années. Et c’est sans doute là le premier facteur explicatif du destin de Smog 1888. La gamme était éditée par Smart Max Miniatures, compagnie française spécialisée dans la figurine de qualité (leur gamme Mauser Earth, de la seconde guerre mondiale alternative n’avait rien à envier à Smog visuellement). Malheureusement, la société était de taille réduite et ne put survivre bien longtemps dans cette jungle. L’arrêt de la compagnie sonna également la fin de l’ensemble de ces productions, dont SMOG 1888.

Une figurine de la gamme Mauser Earth. On retrouve cette qualité visuelle propre aux productions de Smart Max

Cependant, Smog 1888 avait quelques problèmes « personnels ». En tant que gamme de figurine, il était irréprochable (bien que certains pointaient le prix jugé élevé des figurines). En tant que jeu, déjà beaucoup moins. Smog la 13ème heure (le système de jeu utilisant la gamme de figurines de Smog 1888) était un jeu d’escarmouche sur plateau, où chaque joueur pouvait créer sa bande, en sélectionnant des figurines parmi la gamme entière, en ignorant les factions. Le jeu était vendu séparément, et venait pour une vingtaine d’euros sous la forme d’une boite contenant le « plateau », un livret de règles, les cartes, jetons et autres marqueurs nécessaires pour jouer. Pas de starter, ou boites contenant règles ET figurines. Il est possible que ce modèle de publication, associée à la vente des figurines avant le jeu, ait conduit certain à penser que Smog n’était qu’une gamme pour peintre, et que ces figurines n’avaient pas d’utilité en jeu.

Deuxième facteur, la boite de jeu semblait, surtout en comparaison des figurines, un peu « cheap ». Mention spéciale au « plateau de jeu », qui n’était qu’un simple poster en papier. La boite était de plus uniquement disponible en VO, bien qu’une version française des règles soit téléchargeable. Enfin, les mécanismes de jeu s’attirèrent quelques critiques. Je n’ai personnellement pas joué à Smog 1888, aussi je ne peux pas juger de la pertinence de ces remarques, toujours est -il que furent souvent évoqués contre le jeu certains points négatifs récurrents. Fait notable, il n’y’avait ici pas de dés, mais des decks de carte servant à attaquer et à se défendre, qu’il fallait piocher. Sur le papier, l’idée n’était pas mauvaise, mais le jeu fut souvent décrit comme « apéritif », assez léger, d’autant plus qu’il faisait grosse part au hasard, n’avait pas la réputation d’être très équilibré, et certaines de ces mécaniques rendaient difficile de revenir dans une partie une fois mal engagée. En somme, les critiques ne furent parfois pas tendres, et l’attention laissé à l’univers et aux figurines ne semblait pas avoir concernée le coté jeu.

Le poster de jeu. Image récupérée sur BoardGameGeek

Et voilà ce qui, d’un œil extérieur, peut expliquer la fin de Smog 1888. Fort heureusement, cet arrêt de la gamme ne signifia pas celui de licence, car Smog allait bientôt revenir, sous une forme différente et via l’égide d’un nouvel éditeur… ce sur quoi je reviendrais dans le prochain épisode de cette chronique. En attendant, si les figurines vous font de l’œil, certaines d’entre elles doivent encore être disponibles sur des plateformes telles qu’Ebay. Je ne peux qu’une fois encore regretter la disparition du très bon site de Smog 1888, mais celui-ci est toujours disponible via Internet Archive (sans la plupart des images).

Sources images article: Smart Max Miniatures, BoardGameGeek

Alc3d-6

-a la manie d'enfermer ses amis dans sa cave pour des soirées jeux

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3 réflexions sur « Smog 1888: Chef d’œuvre steampunk au royaume des figurinistes »

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