Le secteur du jeu est une industrie, avec tout ce que cela implique, et chaque semaine, de nouveaux jeux de plateau ou de figurines apparaissent sur les étalages des boutiques, ou ceux, virtuels, de Kickstarter. Résultat des courses, difficile de s’imposer dans cette jungle, et au delà des mastodontes tels que Games Workshop, il est n’est malheureusement pas si rare de voir se fermer des studios ou disparaitre des gammes de jeux passé quelques années d’existence. Mais ce n’est pas parce qu’un jeu cesse d’être édité que son souvenir disparait dans l’esprit de ceux qui l’ont appréciés. Certain titres disparus continuent encore aujourd’hui d’influencer game designers, sculpteurs et artistes, alors que d’autres se voient relevés d’entre les morts pour une nouvelle version.
Dans cette série d’articles intitulée l’hommage, je compte revenir sur ces jeux qui m’ont personnellement marqué, mais sont malheureusement disparus aujourd’hui. Je tacherais de les présenter, de décrire au mieux leur univers, leur système de jeu, et expliquer les circonstances de leur disparition. Le tout a pour but de contribuer, à ma maigre échelle, à donner à ces jeux la place et l’attention qu’ils méritent dans l’histoire de notre discipline.
Le 14 août 2013, Cool mini or Not, alors en route vers son statut d’éditeur « phare » de la plateforme, lance sur kickstarter un nouveau jeu de figurines intitulé Wrath of Kings. Ce n’est pas la première itération de la compagnie dans ce domaine, alors qu’elle édite depuis quelques années déjà le jeu d’escarmouche Dark Age (dont nous reparlerons très bientôt dans cette chronique). Pour revenir à Wrath of Kings, le projet réussit à récolter la jolie somme d’un peu plus de 718 000 dollars, pour 3 756 backers. C’est sur ces bases tonituantes que Wrath of Kings et ses figurines déjantées débarque un peu plus d’un an plus tard au domicile de ses backers, et que commence véritablement son existence en tant que jeu.
Mais Wrath of Kings n’est pas un jeu comme les autres, car il possède plusieurs caractéristiques le mettant à part de l’ensemble de ses concurrents. Le premier, et sans doute le plus important est l’aspect visuel: Gnomes collectivistes capables de transformer leurs prisonniers en cochon de combat côtoient hommes-poissons, ou bien encore des guerriers dénudés possédés par des élémentaires. Certains des concepts de Wrath of Kings sont d’une originalité folle, et sortent complètement des carcans classiques de la Fantasy. Cette « patte » visuelle doit être associée à un homme en particulier: Edouard Guiton. Certains d’entre vous le connaissent peut être déjà, mais l’illustrateur français est l’un des anciens de feu Rackham, où l’on pouvait retrouver son travail sur les gammes Confrontation et AT-43. Edouard Guiton est à l’origine de l’immense majorité des concepts esthétique de Wrath of Kings, et il est probable de penser que Cmon lui ai donné au début carte blanche sur ce projet. Il est d’ailleurs amusant de voir que certaines des figurines de Wrath of Kings sont des références directes à celles de Confrontation (mention spéciale, vous le comprendrez par la suite, aux Wolfen).
La conséquence directe de cet aspect visuel, comme je l’ai vite évoqué, est que l’univers du jeu s’éloigne complètement de ce qui se fait traditionnellement pour des jeux fantastiques. Je tacherais de vous le présenter aux cours des lignes qui suivent, en abordant les différentes factions. Pour situer rapidement le contexte, le jeu se déroule sur le continent d’Arikania, une terre imprégnée de magie, où règnent des dieux célestes puis des élémentaires. Ces créatures asservissent l’humanité durant des siècles, jusqu’au jour où s’élève un humain doté de pouvoirs extraordinaires, qui parvient à bannir les élémentaires. Cet homme se fait appeler l’ancien roi, et ainsi commence son règne sur le continent. Le souverain a cinq fils appelé les rois Scions et lègue à chacun sa propre partie du continent pour en faire un royaume. Sauf que problème, les enfants se détestent, et tous convoitent le trône ultime. Dés que l’ancien roi décède, la capitale du royaume se transforme en gigantesque champ de bataille, et chacun rentre chez soi ivre de colère et vengeance. Les siècles ont passé et certains des rois Scions ont disparus, mais les rancœurs entre les maisons qu’ils ont fondées existent encore, et ce n’est qu’une question de temps avant que la guerre ouverte éclate.
Les factions de Wrath of Kings :
Maison Nasier :
Tenante d’une longue tradition martiale, la maison Nasier est la plus populeuse et vaste de toutes. Son roi Scion a brisé un ancien tabou et pactisé avec les élémentaires pour qu’ils renforcent ses armées. Se faisant désormais appeler le Roi des flammes, le souverain a établi une armée disciplinée, où les soldats les plus endurcis portent des masques de pouvoir. Ces masques permettent de faire appel aux pouvoirs des élémentaires afin de se voir doté d’une force et d’une endurance surhumaine. Certains vont même plus loin, et en fusionnant avec les créatures, se transforment en gigantesques bêtes cornues. Nasier ne se cache plus de vénérer les élémentaires, et son armée de prêtres et de dévots modèlera Arikania à l’image de leurs maîtres inhumains et du Roi des flammes.
Visuellement, trois éléments distinguent Nasier: L’omniprésence des masques, les troupes féminines dénudées (mais oui vous comprenez, les masques rendent leur chair plus dure que la pierre, pas besoin d’armure même si les troupes masculines en ont une…), et enfin les impressionnantes bêtes de guerre. En terme de gameplay, la faction est la plus bourrine, car ses troupes sont extrêmement performantes au corps à corps. Les mages de Nasier ont également une affinité avec les flammes, ce qui est fort pratique pour balancer une boule de feu sur ceux qui se tiennent à distance de la mêlée.
Maison Hadross :
La Maison Hadross règne sur les océans entourant Arikania. Depuis ces cités sous-marines, les armées d’Hadross lancent des offensives destructrices, coulant tous les bateaux s’aventurant trop loin des côtes. Le roi Scion à la tête d’Hadross entendit un jour l’appel des « Deep Voices », les divinités des profondeurs, et s’enfonça dans les océans. Son peuple le suivit, et chaque homme et femme commença progressivement à muter sous l’influence des Deep Voices, pour au final devenir des hommes- poissons. Bien qu’ils ne portent pas le même intérêt que les autres maisons au continent, la transformation des Haddrossiens les a éloigné de leurs parents humains, qu’ils jugent avec sévérité. Alors que les Deep Voices intiment à leurs sujets de s’impliquer dans le conflit, Hadross prépare ces armées de fantassins et de créatures des profondeurs.
Une fois de plus, on est ici sur une esthétique très originale, car Hadross est à ma connaissance la seule gamme de figurines d’hommes-poissons. On y trouve différents types de fantassins inspirés d’un vaste ensemble d’espèces marines, accompagnés de Krakens. En jeu, Hadross est la faction la plus résistante, se basant surtout sur l’attrition. L’un des mécanismes propre à Hadross sont les marqueurs de « résonnance », que les modèles ennemis récoltent lorsqu’ils tuent l’une de vos troupes, et qui vont les affaiblir progressivement. Les Hadrossiens sont lents, mais leurs mages peuvent créer des zones d’eau pour les rendre plus rapide.
Maison Shael Han :
La cadette des enfants de l’ancien roi, Shael Han, était la plus attentive aux préceptes de son père, et elle contempla avec amertume ses frères réduire à néant l’œuvre de leur géniteur par leurs querelles intestines. Une fois le roi décédé, Shael-Han se réfugia sur l’île qui lui avait été léguée, laissant ses frères s’entretuer. Les maison du continent commirent l’erreur d’ignorer Shael-Han, car celle-ci transforma son peuple. La naguère insignifiante petite île possède désormais une industrie florissante et une armée parfaitement disciplinée, imprégnée des préceptes de sa reine. Celle-ci a même reçu le soutien des dieux célestes, premiers souverains d’Arikania, qui offrent leurs pouvoirs à certains soldats méritants, et vont même parfois jusqu’à s’incarner sur le champ de bataille. Shael-Han lancera Arikania dans un nouvel âge de lumière, ou périra en essayant.
De nombreux jeux de figurines comportent maintenant des factions à l’esthétique « orientale », et Wrath of Kings n’a pas fait exception à la règle. Mais à défaut d’être la faction la plus originale, Shael Han est surtout l’une des plus réussies. Dans une gamme qui ne manque pas de sculptures inspirées, Shael Han compte certaines des plus belles figurines du jeu (mention spéciale au Fulung Devourer, l’un des plus beau dragon qu’il m’ait été donné de voir dans un jeu). Niveau gameplay, la faction alterne entre des troupiers humains assez faibles et des unités de choc. Shael Han compte énormément sur ses personnages, car la règle unique de la faction leur permet de partager leurs compétences spéciales avec les troupes alentours.
Maison Teknes :
Teknes sont les maîtres absolus de la technologie sur Arikinia. La où les autres maisons s’enferment derrière la gestion décadente de souverains dépassés, la maison Teknes a dépassé depuis longtemps ces erreurs. Une révolution a transformé la nation en république collectiviste, menée par le conseil du peuple. Teknes a disparu depuis longtemps, mais il a légué à son peuple ces prodigieuses avancées scientifiques et sa vision d’un monde libéré des tyrans. Désormais, les armées de Teknes, qui sont les mieux équipées du continent, se préparent à propager l’idéal collectiviste. Les savants de la faction ont réussi à utiliser la magie pour transformer leurs prisonniers en créatures porcines fidèles, tandis que les adhanis, des sortes de gnomes, compensent leur infirmité par leur maitrise magique et technologique. Les forges de Felskar, la capitale de Teknes, crachent nuit et jour leur fumée âcre tandis que des armes de pointe ne cessent d’en sortir.
Avez-vous déjà rêvé d’une faction mélangeant cochons humanoïdes et gnomes, le tout saupoudré de Steampuk? Probablement jamais, mais Wrath of Kings l’a quand même proposé. Nous sommes face à l’une des deux seules gamme du jeu de figurines (Avec les Gremlins de Malifaux) a avoir incorporé nos amis porcins dans leur esthétique. Ici, ils peuvent même voler. En terme de gameplay, Teknes est versatile, s’appuyant surtout sur la contre-attaque. Leurs bêtes de guerre deviennent plus fortes au fur et à mesure qu’elles subissent des dommages, tandis que les humains en armure peuvent absorber et renvoyer l’énergie magique.
Maison Goritsi :
Le Roi Scion Goritsi était le plus grand chasseur de monstres de son époque, mais lorsqu’il tomba sur un mal ancien qu’il ne pouvait espérer vaincre, il choisit de s’y abandonner et de renier son humanité. Désormais, ces descendants portent aussi en eux cette malédiction appelé le « Gift ». Le « Gift » se manifeste de deux manières, en transformant ceux qu’il touche en vampire ou en loup-garou. Telloria, le royaume de la maison Goritsi est aujourd’hui fracturé en différents clan rivaux, mais les choses vont changer. Des machinations veilles de plusieurs siècles vont bientôt porter leurs fruits, et une guerre gigantesque va embraser Arikania. A ce moment, Goritsi pourra vomir toutes les horreurs qui se terrent en son sein, et les plus rusés des intrigants pourront s’emparer du pouvoir suprême.
Avec Goritsi, l’on est face à une faction qui provoqua grand émoi lorsqu’elle fut dévoilée: La faction est un mix de troupes vampiriques, et surtout de loups-garous. Hors, la sculpture de ces derniers comportait parfois certaines similitudes et clins d’œil aux regrettés Wolfen de Confontration (une fois encore explicable par la DA confiée à Edouard Guiton). Beaucoup de nostalgiques ne manquèrent pas d’apprécier Goritsi. L’armée était spécialisée dans une stratégie en particulier: Le Hit-and-Run. pour faire simple, l’imense majorité des références de la faction étaient assimilables à des « glass canon », mortels mais fragiles.
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Une réflexion sur « L’hommage #1: Wrath of Kings, la French-touch chez Cmon »